Le Vendredi saint - célébré en mémoire du martyre du Christ sur la croix - est le seul jour de l'année liturgique où aucune messe n'est célébrée au sein de l'Église catholique. C'est un jour de recueillement et de mortification. L'Église catholique préconise de jeûner ce jour-là.
L’office du Vendredi saint, appelé “célébration de la Passion du Seigneur”, est centré sur la proclamation du récit de la Passion. Il est proposé aux fidèles un Chemin de croix qui suit les étapes de la Passion du Christ.
Autrefois, en signe de deuil, les villageois arrêtaient les horloges, recouvraient les miroirs et parlaient même à voix basse, se comportant comme si un défunt était dans la maison.
Ce jour-là, entre autres dans les Précarpates et en Silésie, la coutume de l'Eau du Vendredi Saint était pratiquée à l'aube. À l’époque, des familles entières allaient à la rivière, à l’étang ou au lac et se plongeaient dans l’eau. On croyait que ce jour-là elle avait des pouvoirs magiques. Il était important que l’eau sèche d’elle-même. Une fois sec, on s'habillait et rentrait chez soi en silence. Plus tard, les adultes buvaient un verre de vodka amère (aux rhizomes d’acores) pour rester en bonne santé. Cela était censé symboliser le vinaigre proposé au Christ crucifié.
Un autre accent des coutumes du Vendredi Saint était autrefois un rituel célébré principalement en Cujavie appelé les funérailles du żur (soupe au levain à base de pain ou de farine) et du hareng, c'est-à-dire les modestes et sempiternels plats que l'on trouvait le plus souvent sur les tables polonaises durant le Carême. Le hareng, fabriqué à partir d'un morceau de bois, était accroché à un saule, tandis que le pot de żurek était enterré ou renversé… Après 40 jours de jeûne, tout le monde attendait avec impatience les tables richement dressées avec de la viande, des jambons et des saucisses.
De nos jours encore, le Vendredi saint, dans les églises polonaises sont préparés de symboliques “Tombeaux du Seigneur” - symboles de la grotte où le corps de Jésus a été placé - que les fidèles visitent les jours saints. Dans diverses régions de Pologne, on peut aussi rencontrer ceux qu'on appelle “Turki” (Turcs), c'est-à-dire des formations masculines de gardes du “Tombeau du Seigneur”, composées de célibataires. Seul un homme marié fait office de commandant du groupe, appelé “l'aîné”. Les “Turki” participent aux offices de Pâques du Vendredi saint au soir jusqu'au dimanche de Pâques. La légende raconte que lors de la bataille de Vienne en 1683, des vêtements turcs furent également rapportés comme butin de guerre. Les soldats les enfilèrent et se tinrent devant le “Tombeau du Seigneur”, formant une garde d’honneur.
Le Vendredi saint était un jour de préparatifs très intenses à la maison. C'était généralement ce jour-là qu’on s’affairait à la cuisine et que les œufs étaient peints pour être bénis le lendemain. Tous les délices de la table de Pâques devaient être prêts dès le Vendredi saint et au plus tard le Samedi saint avant midi.
Depuis des siècles, dans diverses régions du monde, on croit que les œufs portent chance. Dans la tradition slave, l’œuf était associé au culte du dieu soleil, symbole de nouvelle vie et de naissance. Avant la christianisation en Pologne, les œufs avaient un symbole magique : ils étaient enterrés devant les maisons et les fermes pour protéger les membres de la famille des forces du mal.
La période de Pâques est remplie de nombreux symboles, souvent issus du paganisme. Par conséquent, les œufs ont été adoptés par le christianisme comme symbole de la vie, du Christ ressuscité. À Pâques, il ne devait manquer d’œufs, surtout décorés. Le nombre d’œufs décorés dépendait de la richesse de la famille. Il fallait en préparer un nombre suffisant pour être bénis et ensuite donnés aux proches. Les jeunes filles préparaient également des œufs pour les jeunes gens qui se baladaient après le dyngus du lundi de Pâques avec un kogutek (coquelet) - coutume populaire consistant à tirer une charrette avec un coq artificiel autour du village. En offrant des œufs décorés aux garçons, les filles pouvaient leur exprimer leur sympathie. Plus elles donnaient d’œufs, plus le sentiment était fort…
Les œufs étaient décorés de différentes manières selon les régions. L'une des formes les plus anciennes de décoration des œufs est la technique du batik qui consiste à peindre des motifs avec de la cire d'abeille chaude à l'aide d'un stylet spécial. Ensuite, l'œuf est immergé dans un colorant et la cire est essuyée - de cette façon, un motif brillant est obtenu sur un fond coloré. Cette technique qui commençait peu à peu à être oubliée est revenue à la mode avec l'arrivée de personnes déplacées après la Seconde Guerre mondiale en provenance de l'actuelle Ukraine, qui, parmi leurs coutumes de fêtes, avaient également apporté la tradition de décorer les œufs avec la méthode du batik et l'ont transmise aux générations suivantes. Elle est depuis peu inscrite sur la Liste du patrimoine culturel immatériel polonais.
C’est de cette technique du batik que vient le nom pisanki (de pisać, écrire) donné aux œufs décorés. La cire fondue est utilisée pour “écrire” des motifs sur la coquille de l'œuf (lignes, traits, points) avant de colorer l'œuf dans une décoction, puis de retirer la cire qui a protégé les décorations de la teinture.
Une autre méthode populaire pour décorer les œufs est le grattage (kroszonkarstwo). Il s’agit de gratter des motifs sur des œufs teints. Autrefois, ils étaient teints avec des pelures d'oignons, de la jeune avoine ou de l'écorce de chêne ; aujourd'hui, on utilise plutôt des colorants alimentaires. Le plus souvent, sont grattés des ornements végétaux : palmiers, fleurs ou feuilles. La variété des motifs dépend bien entendu de la créativité artistique du créateur lui-même.
Vous vous en doutez, le grattage demande de la patience, de la délicatesse, de la maîtrise de soi et des compétences manuelles pour transformer une coquille fragile en œuvre d'art. Cette méthode est très populaire dans la région d'Opole. Quand on regarde une kroszonka d'Opole, on sait immédiatement qu'elle vient de cette région car elle présente un motif caractéristique constitué principalement de motifs floraux détaillés, qui ont autrefois contribué à la création de ce qu'on appelle Modèle d’Opole. Aujourd'hui, des objets du quotidien sont décorés sur ce modèle, comme la vaisselle en porcelaine, les nappes et les vêtements, ainsi que les bijoux et les boules de Noël. Les kroszonki ont été aussi inscrites sur la Liste nationale du patrimoine culturel immatériel.
Les œufs de Pâques peuvent également être recouverts de divers matériaux. Ceux de la région de Łowicz aux motifs folkloriques sont obtenus après avoir collé sur l'œuf plusieurs couches de motifs découpés dans du papier coloré. C'est spécifique à cette région, car ce n'est qu'ici que sont réalisés les papiers découpés multicolores (wycinanki). L'abondance des formes (plantes, animaux, figures humaines) et la large gamme de couleurs donnent naissance à une image unique.
Par contre, en Kurpie, les décorations typiques sont réalisées après avoir collé sur un œuf vidé de la moelle de jonc, souple et flexible et des fils colorés, au départ le plus souvent récupérés sur un vieux costume usé. Ces décorations étaient collées avec de la colle à base de farine de seigle et d'eau.