Le lundi de Pâques, c’est le deuxième jour de l'Octave de Pâques, jour de congé en Pologne comme en France. La célébration de la Résurrection du Seigneur est la plus grande célébration de l'année liturgique - la joie de cette fête s'étend sur huit jours - l'Octave de Pâques, se terminant le dimanche suivant, appelé en Pologne “Niedziela Biała” (Dimanche Blanc), principalement à cause de la couleur des vêtements blancs portés durant l’Octave par les catéchumènes baptisés lors de la Veillée pascale. Depuis 2000, ce dimanche est devenu la fête de la divine Miséricorde.
Et puis, le lundi de Pâques est aussi le deuxième jour de la Résurrection du Seigneur. Les plus grandes fêtes chrétiennes, comme Pâques et Noël, sont célébrées pendant deux jours afin de réfléchir plus profondément à ces mystères de la foi.
Ce jour-là n'a cependant pas de rituel liturgique particulier, en revanche il possède de riches rituels folkloriques. Après un dimanche de Pâques au calme et en famille, la fête “folle” pouvait commencer le lundi.
Dans la tradition polonaise, ce lundi-là, appelé également lany poniedziałek (lundi mouillé), on s’asperge d’eau les uns les autres… pour plaisanter. Verser de l'eau fait référence à d'anciennes pratiques païennes, associées à la joie d’être enfin sorti de l’hiver, à l'éveil symbolique de la nature à la vie et à la capacité renouvelable de la terre à donner naissance chaque année.
Le christianisme a ajouté à cela le symbolisme purificateur de l'eau, ainsi que la tradition selon laquelle l’aspersion de l'eau rappelle la dispersion des foules rassemblées lundi pour parler de la Résurrection du Christ.
Cette tradition porte de nom de “śmigus-dyngus”. En fait, Śmigus et Dyngus sont deux coutumes distinctes pratiquées le même jour. Aussi, au fil du temps, leurs noms ont fusionné.
À l’origine, śmigus signifiait frapper avec des branches, des tiges ou des palmes. Le lundi de Pâques, il était ainsi d'usage de frapper les filles aux jambes et de les asperger d'eau - une double “correction” à moins que la jeune fille ne paie une “rançon”. Dyngus a donné aux filles la possibilité d’éviter cette double punition. Il ne faut pas non plus oublier que dyngus est un mot slave signifiant “vagabond”, donc dans le passé cela impliquait également d’aller de maison en maison pour exprimer ses vœux de fête et délivrer des oraisons et des poèmes sur la Passion du Seigneur, voire faire des représentations de parodies comiques, ce qui était censé porter chance aux hôtes. Ces “vagabonds” recevaient un cadeau (des victuailles) pour une telle visite, et des jeunes filles ils recevaient des pisanki en signe de sympathie et de “rançon”. S'il n'y avait pas de cadeau approprié, ils faisaient des farces désagréables. Au fil du temps, toutes ces coutumes ont fusionné en une seule appelée Śmigus-Dyngus.
Le lundi de Pâques, à l'aube, les agriculteurs entraient dans les champs et les aspergeaient d'eau bénite, faisaient le signe de croix et plantaient dans le sol des croix faites de palmes bénies le dimanche des Rameaux, censées assurer la récolte et la protéger contre la grêle. Aujourd'hui encore, les agriculteurs ont gardé l'habitude d'asperger les champs avec de l'eau bénite le lundi matin dans les villages de certaines régions de Pologne.
Mais c’étaient surtout les jeunes filles qui étaient aspergées d’eau. La jeune fille qui n’était pas trempée était nerveuse et inquiète car cela signifiait un manque d'intérêt de la part des célibataires locaux.
De nos jours, la pratique de cette coutume populaire doit se faire de manière équilibrée, sinon jeter de l’eau peut entraîner une amende. En effet, au fil du temps, à cause de bandes de jeunes gens surexcités, arroser quelqu’un avec de l'eau froide est parfois devenu dangereux et les forces de l'ordre et la justice ont commencé à l'interpréter comme un trouble à l'ordre public. On ne jette pas d'eau dans la maison ou l'appartement d'autrui, sur des cyclistes et des voitures en mouvement…
Malgré les inévitables changements dans la vie socioculturelle, de nombreuses coutumes et rituels ont survécu à l'épreuve du temps, même s'ils ont souvent changé leur sens originel. La coutume la plus importante du lundi de Pâques, s’asperger d'eau les uns sur les autres, est passée d'un réveil magique du printemps à un amusement et une occasion de pitreries. Elle a également été dépouillée de son environnement matrimonial et propice à faire la cour.
Depuis quelques années des tentatives sont faites pour faire revivre les traditions régionales, parfois tombées en désuétude, telles que les processions équestres de Pâques (principalement en Haute-Silésie) ou les processions de Siuda Baba (à Wieliczka et quelques villes avoisinnantes), jouée par un homme habillé en paysanne, couverte de suie, qui traverse les villages avec un “Tsigane” maniant un fouet caractéristique et quelques jeunes Cracoviens en costumes folkloriques ; ils frappent à toutes les portes à la recherche de jeunes filles qui doivent faire un don ou alors donner un baiser et se laisser ensuite enduire de suie sur les joues…
Ces traditions locales résultent de la culture rurale authentique. Elles prennent aujourd'hui le plus souvent la forme de fêtes et de spectacles rituels, créent un spectacle attrayant pour les résidents et les touristes, et contribuent en même temps à façonner l'identité nationale et le sentiment de différence culturelle.
Cette année, le lundi de Pâques tombe le premier avril. Il y aura donc de l’eau mais aussi des poissons dans le dos…